La loi martiale et état de siège

La loi martiale est l’instauration dans un pays d’un État juridique d’exception, au sein duquel l’armée assure le maintien de l’ordre à la place de la police ou en collaboration avec celle-ci. C’est le chef d’État qui « invoque » la loi martiale, ce qui signifie que le chef d’État major des armées prend le pouvoir pendant un temps délimité. Ce type de norme juridique est comparable dans une certaine mesure à l’état de siège.

La loi martiale est proclamée lors d’une crise profonde au sein d’un État, dans le cas d’un coup d’État ou d’une guerre civile. C’est le gouvernement qui est amené à instaurer la loi martiale, c’est l’armée qui l’exécute.

Publication de la loi martiale et fusillade sur le Champ-de-Mars.

Le terme « martial » dérive du nom de Mars, dieu de la guerre dans la mythologie romaine.

Elle se traduit généralement par la suspension totale ou partielle des libertés fondamentales des citoyens, notamment celles de se rassembler, de manifester et de ne pas être emprisonné sans fondement judiciaire.

La loi martiale n’entre en vigueur qu’en raison d’une situation exceptionnelle, ou perçue comme telle. En voici quelques exemples :

Proclamation de la loi martiale par le régime communiste polonais1981.

  • Aux Philippines, à la suite d’une fusillade entre les forces de l’ordre et des individus en liens avec le terrorisme (jihadistes ayant prêté allégeance au groupe État islamique) , le président a instauré, le mardi 23 mai 2017, la loi martiale sur l’île de Mindanao.
  • En Ukraine, le 25 novembre 2018, après que trois bateaux ukrainiens ont tenté de traverser le détroit de Kertch en passant sous le pont de Crimée reliant la péninsule à la Russie. De vives tensions se sont ensuivies entre la Russie et l’Ukraine. La Russie a fait usage de la force contre les trois navires (le Berdiansk, le Nikopol et le Yany Kapu). Le Président ukrainien Petro Porochenko signe le décret instaurant la loi martiale pour 60 jours le 26 novembre 2018. Celui-ci est approuvé par le Parlement ukrainien pour 30 jours sur les régions de l’Ukraine touchant une frontière sensible.
  • En Arménie et en Azerbaïdjan, à partir du 27 septembre 2020, jour où l’Azerbaïdjan a attaqué le Haut-Karabakh -selon son gouvernement, en réponse à des attaques arméniennes- et où on rapporte au moins 24 morts, dont 16 militaires[3],[4]
  • En Birmanie le 08 février 2021 lorsque l’armée prend le pouvoir durant le coup d’état.
  • En Ukraine, le 24 février 2022 à la suite de l’entrée de l’armée russe sur le territoire dans la nuit après plusieurs mois de tension diplomatique[5].
  • Dans les régions ukrainiennes de Kherson, Zaporijjia, Lougansk et dans le Donbass le 19 octobre 2022.

L’état de siege:

En France, l’état de siège est un dispositif législatif et constitutionnel permettant le transfert de pouvoirs de police de l’autorité civile à l’autorité militaire, la création de juridictions militaires et l’extension des pouvoirs de police. Ce type de norme juridique est comparable dans une certaine mesure à la loi martiale.

L’état de siège est créé sous sa forme actuelle par la loi du 3 avril 1878. Les premières applications de l’état de siège en France ont été instituées pour mettre fin à des troubles intérieurs, comme les journées de Juin 1848, ou pendant la Commune de Paris en 1871. Il est déclaré plus tard durant la Première et la Seconde Guerre mondiale.

La Constitution de 1958 a encadré cette disposition dans son article 36.

Il ne peut être mis en œuvre que sur une partie du territoire, après délibération du Conseil des ministres et avec signature du président de la République, lorsqu’il y a péril imminent du fait d’une insurrection armée ou d’une guerre. Pendant l’état de siège, il y a un transfert de pouvoirs des autorités civiles aux autorités militaires. La prolongation de l’état de siège au-delà de 12 jours est soumise à l’autorisation du Parlement.

L’état de siège tire son nom du statut des places fortes assiégées. Dans le système des Provinces de l’Ancien Régime, chaque place forte a un gouverneur qui est représentant local du roi, à titre aussi bien militaire que civil, et relève directement en temps normal du gouverneur de la province. Quand la place est assiégée et donc isolée, c’est son gouverneur qui y assume naturellement les pouvoirs régaliens, en dirige la défense et ce qui y concourt (gestion des travaux publics, logement de la troupe, rationnement des vivres…), aidé des autorités municipales (cf. l’ordonnance pour régler le service dans les places, du 1er mars 1768).

Pendant la Révolution, le système provincial est aboli en 1791, et la centralisation jacobine aboutit à distinguer les pouvoirs, jusque-là confondus, des futurs ministères de la défense et de l’intérieur. Dans une place assiégée, on ne peut cependant toujours pas tolérer deux autorités « concurrentes ». L’impératif de défense primant, l’ensemble des pouvoirs de justice et de police (maintien de l’ordre et sûreté), mais aussi ce qui y concourt, est placé sous l’autorité du gouverneur militaire de la place, seul responsable de (tout) ce qui s’y passe devant le gouvernement. Un certain nombre de délégations et d’arrangements est en général concédé aux autorités civiles (maire notamment) en ce qui a trait à la gestion quotidienne de la population civile (loi sur la conservation des places de guerre du 10 juillet 1791).

Avec la création, en 1791 toujours, des divisions militaires territoriales, la notion d’état de siège peut également prendre une tournure « zonale » pour pouvoir concerner un territoire, une région tout entière. Les juristes distinguent alors l’état de siège proprement dit, qui ne concerne que les lieux assiégés (cf. par ex., ci-dessous, lois de 1789 et 1791), et l’état de siège politique (loi de 1849), qui peut être défini comme « une institution politique conçue pour les situations de grave danger pour la sécurité nationale »[1]. Toutefois, que ce soit dans la Constitution de 1852 (art. 12) ou dans la loi de 1878, l’état de siège doit être restreint dans l’espace : il n’a pas vocation à s’appliquer à tout le territoire, mais seulement à « un ou plusieurs départements » selon l’expression de la Constitution de 1852[2].

Aussi la loi des 8=10 juillet 1791 prévoyait-elle, en son article 8, que : « L’état de guerre sera déterminé par un décret du Corps législatif, rendu sur la proposition du Roi, sanctionné et proclamé par lui ».

Elle précisait, en son article 9, que : « Et dans le cas où le Corps législatif ne serait pas assemblé, le Roi pourra, de sa seule autorité, proclamer que telles places [de guerre] ou postes [militaires] sont en état de guerre, sous la responsabilité personnelle des ministres ; mais, lors de la réunion du Corps législatif, il délibérera sur la proclamation du Roi, à l’effet de la valider ou de l’infirmer par un décret ».

L’article 7 de la loi des 8=10 juillet 1791 disposait, en effet, que :

« Dans les places de guerre et postes militaires, lorsque ces places et postes seront en état de guerre, les officiers civils ne cesseront pas d’être chargés de l’ordre et de la police intérieurs ; mais ils pourront être requis, par le commandant militaire, de se prêter aux mesures d’ordre et de police qui intéresseront la sûreté de la place : en conséquence, pour assurer la responsabilité respective des officiers civils et des agents militaires, les délibérations du conseil de guerre, en vertu desquelles les réquisitions du commandant militaire auront été faites, seront remises et resteront à la municipalité. »

illustration Les Fouetteuses de la Révolution française

L’article 11 de la loi des 8 et 10 juillet 1791 prévoyait que :


Loi du 10 fructidor an V, déterminant la manière dont les communes de l’intérieur de la République pourront être mises en état de guerre ou de siègeModifier

Sous le Directoire, la loi du 10 fructidor an V (27 août 1797), déterminant la manière dont les communes de l’intérieur de la République pourront être mises en état de guerre ou de siège[8], peut être considérée comme la première loi sur l’état de siège politique, dans la mesure où elle s’applique au-delà des places assiégées pour concerner les communes de l’intérieur. De plus, elle prend en compte non seulement la menace militaire (provenant donc d’un État ennemi), mais également civile ou insurrectionnel – en s’intéressant à l’investissement des villes par les rebelles.

La déclaration de l’état de siège par le Directoire reste soumise à l’autorisation d’une loi. Toutefois, neuf jours plus tard, le lendemain même du coup d’État du 18 fructidor an V, le Directoire se fit attribuer, par les débris survivants de la Représentation nationale, le pouvoir de déclarer seul l’état de siège.

À l’audience du 29 juin 1832, Odilon-Barrot, avocat du condamné, présenta devant la Cour trois thèses de droit dont chacune soulevait une grave question.

Il soutint, en effet, que :

  1. La mise en état de siège d’une ville par une simple ordonnance, quand il n’y a pas eu investissement, quand les communications n’ont pas été interrompues, est un acte illégal qui est réputé ne pas exister ;
  2. Au cas où l’état de siège pourrait être considéré comme légal et constitutionnel, la conséquence n’a pu être d’enlever les citoyens à leurs juges naturels, et d’effacer pour eux les articles 53 et 54 de la charte du 14 août 1830 ;
  3. Au cas, enfin, où l’état de siège serait légal, et en admettant qu’il puisse y avoir lieu à déplacement de juridiction, l’ordonnance royale du 6 juin 1832 ne pourrait être rétroactive et s’appliquer indéfiniment à tous les faits antérieurs à sa promulgation.

l’encontre de la loi qui ne prévoyait aucune restriction sur ce sujet[2]. Alors qu’une certaine jurisprudence et quelques lois amorcent timidement un statut des fonctionnaires au début du xxe siècle, celui-ci est suspendu à la faveur de l’état de siège, d’une façon allant bien au-delà de ce que permettait, en principe, la loi[2]. Cela donne ainsi naissance à l’arrêt Heyriès, en 1918, l’un des Grands Arrêts du Conseil d’État, qui constitue une « véritable doctrine des pouvoirs de crise » d’origine prétorienne[23], parallèle aux formes législatives et constitutionnelles permettant de décréter l’état d’urgence (loi du 3 avril 1955), l’état de siège(art. 36 de la Constitution de 1958) ou la reconnaissance de « pouvoirs exceptionnels » accordés au président de la République (art. 16 de la Constitution).

Hôtel du Parc, Vichy, siège et bureau du gouvernement de Vichy présidé par Pétain

Application pendant la seconde guerre mondialeModifier

Articles connexes : Seconde Guerre mondiale et Histoire de France#La crise des années trente et la Seconde Guerre mondiale.

Le décret-loi du 1er septembre 1939 portant déclaration de l’état de siège fit à nouveau application de cette légalité d’exception, dont la levée intervint le 12 octobre 1945[17].

Loi du 7 décembre 1954, portant révision de la Constitution du 27 octobre 1946Modifier

Dans sa version initiale, la Constitution du 27 octobre 1946 ne comportait pas de disposition particulière relative à l’état de siège.

L’article 1er de la loi constitutionnelle du 7 décembre 1954 compléta l’article 7 de la Constitution, en y ajoutant la disposition suivante : « L’état de siège est déclaré dans les conditions prévues par la loi »[26].

Constitution du 4 octobre 1958Modifier

L’article 36 de la Constitution de 1958 a encadré le régime de l’état de siège en confiant son initiative au Gouvernement et son contrôle au Parlement à partir du treizième jour.

Le code de la défense prévoit sept régimes d’application exceptionnelle[27] :

  1. La guerre ;
  2. L’état de siège[28];
  3. L’état d’urgence, qui demeure régi par la loi no 55-385 du 3 avril 1955[29] modifiée, instituant un état d’urgence ;
  4. La mobilisation, qui, lorsqu’elle est générale[30], consiste en la mise en œuvre de « l’ensemble des mesures de défense déjà préparées »[31] et la mise en garde, qui consiste en la mise en œuvre de « certaines mesures propres à assurer la liberté d’action du Gouvernement, à diminuer la vulnérabilité des populations ou des équipements principaux et à garantir la sécurité des opérations de mobilisation ou de « mise en œuvre des forces militaires »[32] ;
  5. Le service de défense, qui consiste en la mise en œuvre de mesures propres « à assurer la continuité de l’action du Gouvernement, des directions et services de l’État, des collectivités territoriales, et des organismes qui leur sont rattachés, ainsi que des entreprises et établissements dont les activités contribuent à la défense, à la sécurité et à l’intégrité du territoire, de même qu’à la sécurité et la vie de la population »[33] ;
  6. Les « sujétions résultants des manœuvres et exercices », qui permet notamment à l’autorité militaire, « pour l’exécution des exercices de tirs, marches, manœuvres ou opérations d’ensemble » que comporte l’instruction des troupes, (…) soit d’occuper momentanément les propriétés privées, soit d’en interdire temporairement l’accès »[34] ;
  7. Le « dispositif de réserve de sécurité nationale ».

La Constitution de 1958 prévoit de plus, dans son article 16, que le président de la République puisse prendre des « dispositions exceptionnelles », de nature législatives et administratives pour rétablir au plus vite les pouvoirs constitutionnels réguliers.

Cas où l’état de siège peut être déclaréModifier

L’état de siège ne peut être déclaré, par décret en conseil des ministres, qu’en cas de péril imminent résultant d’une guerre étrangère ou d’une insurrection armée[35].

Formes de la déclaration de l’état de siègeModifier

Déclaration par décret du Président de la RépubliqueModifier

L’état de siège est déclaré par décret en conseil des ministres.

Le décret désigne le territoire auquel il s’applique et détermine sa durée d’application[35].

Prorogation par la loiModifier

  • espionnages ;
  • Articles 412-1 et 412-2 : Attentat et complot ;
  • Articles 412-3 à 412-6 : Mouvement insurrectionnel ;
  • Articles 412-7 et 412-8 : Usurpation de commandement, levée de forces armées et provocation à s’armer illégalement ;
  • Articles 413-1 à 413-8 : Atteintes à la sécurité des forces armées et aux zones protégées intéressant la défense nationale ;
  • Articles 413-9 à 413-12 : Atteintes au secret de la défense nationale ;
  • Articles 432-1 à 432-3 : Abus d’autorité dirigés contre l’administration ;
  • Articles 432-4 et 432-5 : Atteintes à la liberté individuelle ;
  • Articles 432-11 : Corruption passive et du trafic d’influence commis par des personnes exerçant une fonction publique ;
  • Articles 433-1 et 433-2 : Corruption active et du trafic d’influence commis par les particuliers ;
  • Article 433-3 : Menaces et actes d’intimidation commis contre les personnes exerçant une fonction publique ;
  • Article 433-8, alinéa 2 : Rébellion armée commise en réunion ;
  • Articles 442-1 à 442-3 : Fausse monnaie ;
  • Articles 443-1 : Contrefaçon ou falsification des effets émis par le Trésor public avec son timbre ou sa marque ou des effets émis par les États étrangers avec leur timbre ou leur marque, ou usage ou transport de ces effets contrefaisants ou falsifiés ;
  • Articles 444-1 : Contrefaçon ou falsification soit du sceau de l’État, soit des timbres nationaux, soit des poinçons servant à marquer les matières d’or, d’argent ou de platine, ou usage de ces sceaux, timbres ou poinçons, contrefaisants ou falsifiés ;
  • Articles 444-2 : Usage frauduleux du sceau de l’État, des timbres nationaux ou des poinçons servant à marquer des matières d’or, d’argent ou de platine ;
  • Articles 450-1 : Association de malfaiteurs.

Les juridictions militaires peuvent en outre connaître :

  • Des faits sanctionnés par l’article 476-7 du code de justice militaire ;
  • De la provocation, par quelque moyen que ce soit, à la désobéissance des militaires envers leurs chefs dans tout ce qu’ils leur commandent pour l’exécution des lois et règlements militaires ;
  • De la provocation, par quelque moyen que ce soit, aux crimes d’assassinat, de meurtre, d’incendie, de pillage, de destruction d’édifices, d’ouvrages militaires ;
  • Des délits commis par les fournisseurs en ce qui concerne les fournitures destinées aux forces armées, dans les cas prévus par les articles L. 213-1 à L. 213-5 du code de la consommation et les lois spéciales qui s’y rattachent ;
  • Des faux commis au préjudice des forces armées et, d’une manière générale, tous crimes ou délits portant atteinte à la défense nationale.

Ce régime exceptionnel cesse de plein droit à la signature de la paix[37] ou à la révocation de l’état de siège.

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